Florent COUAO-ZOTTI
Ecrivain
Florent Couao-Zotti est un écrivain béninois, auteur de romans, nouvelles, pièces de théâtre et de bandes dessinées, né à Pobé (Bénin) le 18 juin 1964. Il vit et travaille à Cotonou. Depuis le mercredi 11 décembre 2019, il est devenu le Conseiller technique à la Culture au Ministère du Tourisme, de la Culture et des Arts (MTCA).
Sa nomination à ce poste lors du Conseil des ministres ce mercredi 11 décembre 2019 a suscité une vive polémique sur les réseaux sociaux à cause du regard très critique que l`écrivain a récemment porté sur certaines actions du gouvernement surtout l`affaire Maison Mathieu Kérékou. Dans sa réaction, Florent Couao-Zotti s’est mis au-dessus de la mêlée en donnant la raison qui motive son accord à cette nomination. Sur sa page Facebook voici ce qu`il a publié quelques heures après sa nomination ``“Tout le temps, on est resté à quai, regardant le bateau lever l’ancre et s’en aller. Certes, on y voyait les gens sur le pont, on devinait les matelots s’affairer, on suivait le commandant et ses auxiliaires orienter et conduire le navire. Si notre vision, sur le bateau, n’était pas lointaine, elle ne reflétait sans doute pas un regard de l’intérieur. Or, ce regard, en contraste avec l’approche première, offrirait une vue plus équilibrée de la conduite du bâtiment et des hommes qui en ont la charge. J’ai décidé de rejoindre le navire. Il veut essayer, apporter son expertise à un secteur qu`il aime :``“(…) pour offrir mon savoir faire, mon expérience, mon expertise dans un domaine où j’ai consacré une trentaine d’années de ma vie. entrepreneur culturel de formation, homme de culture de vocation, j’ai accepté me risquer à l’abordage, heureux d’apporter sur mon nouveau terrain d’action, mes certitudes autant que mes rêves, ma passion autant que mes illusions…on ne dira pas ” il n’a pas essayé “.
À sa naissance en 1964, sa mère travaille en tant que sage-femme à l`hôpital de Pobé et son père, fonctionnaire à l`Organisation commune Bénin-Niger (OCBN), une société de chemin de fer. Pobé, royaume de l`enfance, restera à jamais gravé dans sa mémoire puisqu`il y vit, le nez enfoui dans le pagne de Pauline, sa mère, la tête inondée par les éclats du soleil.
En 1973, sa mère meurt d`un cancer à l`hôpital de Porto-Novo. Florent Couao-Zotti vit deux ans chez sa grande sœur à Parakou, puis rejoint son père à Cotonou, dans la maison familiale. Il y retrouve une fratrie de dix enfants. Deux de ses frères, qui font la série littéraire Edgard et Ludovic avec un ami du quartier, parlent beaucoup des grands auteurs français, anglais et américains. La littérature policière dont la Saga SAS de Gérard de Villiers qui constitue, en ce moment-là, la lecture de préférence de beaucoup de jeunes, occupe aussi leurs discussions. Mais à côté d`eux, il y a le père, Gilles, ancien instituteur, qui aime aussi la littérature. À la retraite depuis une quinzaine d`années, assis sur une chaise devant la maison, il suit avec attention leurs débats et y fait souvent incursion en y ajoutant son grain de sel ou en les défiant dans la connaissance des auteurs français. Pour lui, l`utilisation des mots savants témoigne, à ses yeux, de son amour pour cette langue qu`il s`applique à parler avec emphase.
Florent Couao-Zotti a effectué des études de lettres modernes de l`Université d`Abomey-Calavi, une formation de journalisme et d`entrepreneuriat culturel.
C`est en 1995 que débute sa carrière littéraire. Bien que publiant déjà des nouvelles dans la revue du Serpent à plumes et la Revue noire (Paris), il fit paraitre Ce Soleil où j`ai toujours soif (L`Harmattan,1995) un drame dans lequel il s`interroge sur le processus démocratique en cours en Afrique noire. Dans les rues d`une ville, un diplômé sans emploi, Sèna, technicien de surface (balayeur de rue) ne rêve que d`une chose: danser au bal de la Conférence nationale avec sa fiancée, une jeune femme aussi vénale qu`inacessible, exactement comme les promesses de démocratie et de liberté qui ont arrosé le continent.
En 1996, il gagne le 1er Prix de littérature africaine pour l`enfance avec Un enfant dans la guerre(éditions Haho, 1998) à l`occasion du concours organisé par l`Agence de la Francophonie. Ce roman sera repris plus tard sous le titre de Charly en guerre aux éditions Dapper en 2001.
Mais plus que ces deux publications, le texte qui retient l`attention de la critique et des lecteurs, c`est Notre pain de chaque nuit (Le Serpent à Plumes, 1998). Voici ce qu`en dit Caroline Morel de la revue Lire au lycée professionnel : "Notre pain de chaque nuit est une tragédie haletante et fulgurante autour de Nono, la prostituée sans illusion des bas-fonds de Cotonou, au Bénin. Elle enivre les hommes, comme les députés les plus corrompus, comme son ancien souteneur devenu boxeur talentueux, Djendjer. Le meurtre commis par Nono dans un accès désespéré d`autodéfense trouve son reflet dans les derniers chapitres où rien ne survit aux péripéties sans appel de cette histoire. Inexorablement, tout au long du livre, ces deux jeunes destins, extraits et distingués du tas d`ordure où ils sont nés, se brûlent dans une succession d`impasses. A peine connaissent-ils une progression que des pièges leur sont tendus par de plus puissants qu`eux, tel le député Kpapka, sinistre sire machiavélique, machiste, lâche et avide. Cet ogre moderne dévore littéralement tout ce qu`il peut, mais ni Nono, ni Djenjer ne cèdent : ils n`ont rien à perdre et vivent jusqu`au bout leur condition de moins que rien. Certaines scènes sont inoubliablement violentes, comme celle de la vengeance de l`épouse du député qui, avec d`autres matrones, empoigne Nono, avant d`aller demander des compensations à la palabre ancestrale. Le monde de la nuit sert de décors, les enfants sont déguenillés, les sorciers et leurs grigris accompagnent ces gens avec plus ou moins de conviction. Ce qui dynamise cette fiction à peine inventée, c`est une langue particulièrement verte, aux expressions locales, tout à fait crues. L`auteur brasse ses phrases lapidaires avec dextérité, hache son texte par maintes phrases infinitives en de courts paragraphes, menant ainsi le lecteur à bout de souffle d`un chapitre à l`autre. On transpire avec les héros, on ressent leur tension par les différents points de vue adoptés successivement. Il faut encore évoquer les incroyables métaphores de Florent Couao-Zotti qui structurent littéralement le texte et truffent d`une poésie surprenante les paroles des personnages. Autant d`images fulgurantes sans concession sur une sale vie où le plaisir et la douceur ne se déparent ni de la violence ni du désespoir rageur".http://www.educ-revues.fr/LLP/Affichag/Lire [archive] au lycée professionnel, n°45, page 42 (06/2004)
Les publications de Florent Couao-Zotti s`enchaînent. L`auteur béninois offre, en 2000, un florilège de textes saisissants et décapants, confirmant le registre allégorique, poétique dans lequel s`inscrit son écriture avec L`homme dit fou et la mauvaise foi des hommes (Le Serpent à plumes, 2000). "Ce recueil de nouvelles qui emprunte son titre à l`une d`entre elles, plonge à nouveau dans les zones interlopes de la capitale béninoise. Sourde ou visible, la violence domine ce recueil et semble présente à chaque page, atteignant son paroxysme lorsqu`un jeune enfant vole un pendentif, l`avale pour le dissimuler et ne parvient plus à l`évacuer... Lorsque Cesaria met au monde un enfant dont elle veut se débarrasser et que son oncle survient et lui apprend qu`il n`est autre que le « violeur masqué » et donc le père de cet enfant... Lorsqu`un homme à la morgue viole le corps de sa femme qu`il a tuée involontairement en voulant assassiner son beau-frère. Au delà de cette démesure, les personnages de Florent Couao-Zotti jouent et se jouent volontiers du surnaturel. Ainsi le héros de cette nouvelle qui, après avoir tué sa femme, enlevé sa fille et provoqué le président directeur général de la banque, se montre invulnérable aux balles de la police (clin d`oeil évident au personnage de Martial dans "La vie et demie", roman du Congolais Sony Labou Tansi). A l`image du monde qu`il décrit, Florent Couao-Zotti choisit une langue inventive et mâtinée de truculence, enrichie de formules savoureuses et d`un vocabulaire emprunté au glossaire de la rue. Ainsi en va-t-il des prostituées tour à tour qualifiées de «vendeuses de vie», de «coffres à péché », d`«ouvreuses de fantasmes» ou de «banques poilues »... Prostitution, drogue, meurtre, zoophilie et dérives en tout genre, Florent Couao-Zotti traque toutes les fièvres, toutes les douleurs, tous les spasmes, tous les élans et toutes les démesures, dans leurs manifestations les plus abruptes et les plus sauvages. De désamours en mal-être, ses personnages sont des humains en nostalgie d`enfance ou des enfants versés trop tôt dans une destinée adulte, comme cet « enfant-caniveau oublié dans les décharges du monde ». Ainsi, qu`ils sombrent dans la folie, débusquant la vérité au creux de leur délire et offrant de la société un miroir dérangeant, ou qu`ils défient les lois de la nature humaine, les héros de l`écrivain béninois offrent la fragilité de leur excès et se réfugient dans la démesure parce qu`ils n`ont pas trouvé dans le quotidien la place qu`ils entendaient occuper" Bernard Magnier(http://www.littafcar.org/livres/98/l-homme-dit-fou-ou-la-mauvaise-foi-des-hommes [archive] )
De toutes ses œuvres, une possède une résonance toute particulière : Les Fantômes du Brésil (Ubu editions, 2006). Roman d`introspection, qui accomplit un retour sur ses origines afro-brésiliennes, ce récit met en évidence les conflits qui ont longtemps jalonné les relations entre les enfants des anciens esclaves revenus du Brésil et les descendants des esclavagistes. Le romancier imagine une passion amoureuse entre deux jeunes issus des deux communautés, Anna Maria Dolorès do Mato et Pierre Kpossou Dossou. Ouidah, théâtre du roman, introduit le lecteur alors au cœur de cette culture «agouda» où l`ombre du Brésil, comme un fantôme, plane sur tout. Les amants résistent à l`hostilité des deux camps et se retrouvent, après avoir été emportés dans les profondeurs de la mer, dans un ailleurs étrange qui ressemble à une île, à moins que ça ne soit l`au-delà.
Avec ces romans, recueils de nouvelles, pièces de théâtre, l`écrivain béninois a réussi à construire une œuvre littéraire originale nourrie de l`imaginaire d`une Afrique urbaine désenchantée dont les marginaux demeurent les figures récurrentes. Depuis 2002, Florent Couao-Zotti se consacre entièrement à l`écriture qu`il décline dans différents genres littéraires (romans, nouvelles, pièces de théâtre) et dans les arts narratifs (bande dessinée, série télévisée et films vidéo).
Les œuvres de Florent Couao-Zotti sont traduites dans cinq langues (japonais, italien, catalan, allemand, anglais), et ont reçu plusieurs récompenses, dont le prix Tchicaya U Tams`i (1996), le prix de la Francophonie de littérature pour l`enfance (1996) le prix Ahmadou Kourouma (2010), le prix du Salon du livre d`Abbeville (2016), le prix Roland de Jouvenel de l`Académie française (2018).
En octobre 1989, il part en Côte d`Ivoire, invité par un ami pour enseigner le français dans un collège d`Agnibilékrou. Il arrive à la frontière ivoiro-ghanéenne mais un douanier constate qu`il a empilé plusieurs livres dans sa valise et que des feuillets, noircis par son écriture, occupent une poche de son sac. On lui demande s`il en est l`auteur. Il répond par l`affirmative mais son interlocuteur exige de lui la déclamation d`un poème avant de le laisser partir. Au bout de l`exercice, Florent Couao-Zotti peut alors passer la frontière et rejoindre la Côte d`Ivoire, mais là-bas, l`expérience tourne court. Le jeune homme rembarque pour le Bénin où se prépare activement la Conférence nationale de février 1990.
Justement, après ces assises populaires à l`issue desquelles, la liberté de la presse est restaurée et où le «Renouveau démocratique » est proclamé, Florent Couao-Zotti occupe successivement les fonctions de rédacteur en chef de deux journaux satiriques (Le Canard du Golfe et Abito), de chroniqueur culturel dans Tam-Tam Express (hebdomadaire indépendant ayant paru à Cotonou entre 1988 et 1995); au Forum de la Semaine (hebdomadaire ayant paru à Cotonou entre 1990-1996), au Bénin Nouveau (bi-hebdomadaire paru entre 1991-1993). Depuis 2002, il intervient dans plusieurs journaux dont le quotidien indépendant La Nouvelle Tribune.
Ce soleil où j’ai toujours soif, 1996 (ISBN 978-2738427342).
Notre pain de chaque jour, Paris, Le Serpent à plumes, 1998 (ISBN 978-2842610425).
L`homme dit fou et la mauvaise foi des hommes, Le Serpent à plumes, Paris, 2000 (ISBN 978-2842612047).
Notre pain de chaque nuit, Paris, J`ai lu, 2000 (ISBN 978-2290302422).
Charly en guerre, Dapper, 2001 (ISBN 978-2906067691).
La Diseuse de mal-espérance, 2001 (ISBN 978-2747505789).
La Sirène qui embrassait les étoiles, Paris, L`œil, 2003 (ISBN 978-2912415639).
Le Collectionneur de vierges, Ndzé, 2004 (ISBN 978-2911464201).
Le Cantique des cannibales, Paris, Le Serpent à plumes, 2004 (ISBN 978-2842614850).
Retour de tombe, Joca Seria, 2004 (ISBN 978-2848090252).
Les Fantômes du Brésil, UBU éditions, 2006 (ISBN 978-2351970027).
Poulet-bicyclette et Cie, Gallimard, 2008 (ISBN 978-2070120918).
Si la cour du mouton est sale, ce n`est pas au cochon de le dire, Le Serpent à plumes, 2010 (ISBN 978-2-268-06890-9) (prix Ahmadou-Kourouma).
La Traque de la Musaraigne, Marseille, Jigal, 2014.
Western tchoukoutou, Gallimard, 2018 (ISBN 978-2-07-278006-6).